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Le chant du coq se fit entendre en vagues successives de onze ternaires, ce vendredi saint de l'an de grâce 1264 après Jésus Christ.

 

La vaste plaine du Comté Forézien sortant de sa torpeur nocturne, s'étalait en contrebas de la pente abrupte du contrefort d'Essaloi. Elle se para peu à peu de ses premiers atours printaniers, mis en lueur par la bienveillance d'un jour naissant, sous les auspices protecteurs des premiers rayonnements solaires, dardant à l'est, faisant fi de la frontière naturelle et administrative, représentée par la chaîne présomptueuse des monts du comté de Bourgogne.

Jean Forezien, fidèle d'Amour, noble et discret maître compagnon et coterie casse-cailloux de son état, par suite d'un lever des plus naturels, s'apprêtait à rejoindre le château de Grangent, petite forteresse réputée imprenable, telle une vigilante aux pieds graniteux et à laquelle la douce Loire, en sa juvénilité fluviale, faisait office de bienveillance, par de douces caresses humides, au détour de la finitude des gorges.

Habitué aux vagabondages besogneux, il avait passé la nuit dans la discrétion solitaire d'une simple bergerie désaffectée, mise à discrétion parfaite à l'abri des regards indiscrets, de la gent belliqueuse de la seigneurie d'Essaloi. Hors de question pour lui de devancer le rendez-vous du lendemain.

la veille, jeudi saint de l'an de grâce 1264, à la nuit tombée, sommairement installé dans un restant de foin, il s'était contenté avant la dormition d'une maigre pitance, faite d'un reste de pain de seigle à vous édenter pour le restant de vos jours, si il n'avait subi au préalable de la part de l'humble Jean quelques trempages dans un semblant de vinasse douce amère, rehaussée de sel de Guérande, précieux cristaux qu'il économisait depuis son dernier périple en Celtide.

Chrétien de coeur, loin de tout apparat catholique, après avoir confectionné un petit foyer ardent de simplicité, mais hautement lumineux, il avait mis un point d'honneur à célébrer seul et en silence, par la providence des ces mets de fortune le rite de Melkitsedeq perpétué par le geste eucharistique du sauveur, Jésus Christ, son Maître et Seigneur de par Dieu.

Nous tairons toutes indiscrètes révélations sur les détails de ce rituel initiatique, par essence incommunicable puisque strictement oral, que lui transmirent de singuliers nomades achéménides, voici douze années au bord du lac de Tiberiade, lors de sa participation à la seconde croisade, en qualité de chevalier templier, hospitalier, sous la conduite du saint Roi louis IX.


Dans l'accomplissement du rite, une ferveur mystique l'accompagnait, empreinte de souvenirs prégnants qui ne le quitteraient plus jusqu'à son dernier souffle. ( Voir les chroniques templières du sieur Jacques de Molay, éditées sous le manteau de la cote de maille, mais malheureusement rares puisque mises en autodafés  par la très sainte manichéenne inquisition catholique ).

Revenons-en au périple de notre quidam, qui, par suite de son voyage en Orient, se contenta de quitter ses engagements guerriers pour s'adonner à de plus nobles activités, en phase avec son nouvel être.

Il entreprit de reprendre ses premières occupations, somme toute profanes pour leur donner un caractère plus constructif. Il rejoignit donc la noble corporation des bâtisseurs en qualité de tailleur de pierre. Après un tour de France des plus aventureux et une participation active, anonyme et édifiante sur les nombreux chantiers de construction de cathédrales, en plein essor, en ces temps de fin moyenâgeuse.

Il fut reçu à l'âge de trente - trois ans, à l'initiation de compagnon casse-cailloux, adoubé par ses pairs, sous le patronyme de Jean le Forézien Coeur fidèle d'Amour.

Douze lunes de nobles labeurs plus tard, la maîtrise lui fut reconnue et, loin de toutes ambitions mondaines et purement mercantiles, il continua à dispenser son savoir- faire, sous l'habit de simple ouvrier errant.

En ce jour naissant, sous les auspices vénusiens, Jean, après avoir rangé ses effets dans sa besace de passant, effectué une toilette sommaire dans le baquet abandonné de la ruine et matinale à Maya, il termina sa " pujà ", par la salutation rituelle tridimensionnelle.

Il s'apprêta à dévaler la pente qui le distançait d'une bonne lieue de la noble demeure se dressant en majesté en contrebas.

Le sentier pentu ondoyait entre feuillus et conifères, bardant irrégulièrement un ruisseau de filet d'eau limpide et chantante.

La faune locale s'éveillait gaiement sous la résonance de son pas léger.

Un aigle tournoyait majestueusement au-dessus de sa destination, ce jour semblait de bon augure.

Il ne tarda pas à se retrouver en bordure de la douce Loire, défilant en une eau claire entre les gorges. Patient de nature, il posa son séant sur une roche plate, dans l'attente du passeur de gué.

Son oeil averti de bâtisseur détailla toute l'architecture de la bâtisse romane dressée tel un défi à  l'apesenteur sur son piton rocheux.

Admirant l'homogénéité de l'escalier principal, il ne fut point troublé de terminer son observation sur l'entrebâillement de la lourde porte de la demeure seigneuriale.

Le passeur s'en détacha par le contraste de son imposante silhouette, qui en des gestes amicaux signifiait sa venue.

Jean, éxécutant le mouvement de reconnaissance par des salutations de la main droite, esquissées en mouvements circulaires, tout en remerciant le Seigneur d'avoir guidé son pas à bon port, au jour convenu.

" Ces gens de Grangent semblent être des plus vigilants. Leur oeil de guet avise du moindre mouvement. pour chance, ma ponctualité me permet la vie sauve ".

A l'aide d'une barque à fond plat, le passeur rejoignit promptement l'humble Jean.

L'homme, de type mongol, salua chaleureusement l'invité du jour.

- " Salam Malékoum, Maître Yaya ( Jean en mahométan )

- Malékoum Salam, courageux Yétché, toi ici ? Quelle surprise !

- Tous les chemins mènent au Forez libre " répondit Yetché.

Les deux hommes s'étaient reconnus instantanément. Leur première rencontre remontait aux échanges d'hommes sages, toutes obédiences confondues, aux confins de l'Asie Centrale dans ce mystérieux royaume du Prêtre Jean. Pour l'heure nous en tairons les circonstances et qui plus est les annales, si tant soit peu qu'il y en ait eu traces en quelques écritures médiévales, même sous forme folklorique.

Durant la briéveté de la traversée, ils purent tous deux reconnaitre que leur mort profane leur profitait à merveille.

Ils échangèrent quelques accolades fraternelles et de rudes frappes de mains viriles.

Yétché accosta et, d'un bond d'une agilité toute orientale, fit sauter Yaya sur la margelle de la demeure, qui au plus près exhalait le mystère de la  vieille pierre.

En silence ils pénétrèrent dans la petite cour intérieure sur laquelle se referma la lourde porte protectrice, faite de chênes centenaires bien trempés.

Là, tout à l'alentour, du puits centré au milieu de la placette, des dépendances modestes, une chapelle, une écurie, une cuisine, des logis divers et une salle d'armes entouraient la bâtisse principale, demeure seigneuriale de Richard Coeur de Lion, vaillant et émérite comte du Forez Libre.....

( la suite vendredi )

Tableau Hacène Bouziane

 

Tag(s) : #textes et nouvelles d'aujourd'hui
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