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Etre et avoir été.
Lettre et avoir l’été.
En point de mire, sentinelle snipper des morts dont on ne parle pas. Des morts de vie, des morts de tous les jours, ceux qui crèvent d’absence, de silence. De manque de pourquoi. De manque de réponses tant il ont mille questions, souvent mille et unes, comme les nuits Djinn des lampes de nos nuits à traverser des fleuves qui se faisaient gué juste pour le plaisir de nous sentir exister, danser un peu sur eux, comme une bise embrasse, embrasse les puits taris qui sentent à nouveau leur cœur palpiter de la crue qui s’approche.
Etre et avoir été.
Bousculer sa jeunesse comme une vieille salope qui n’en veut plus, qui n’en peut plus de faire semblant de sourire devant un miroir qui fuit, qui luit, un miroir qui regarde ailleurs quand il débite mille mensonges. Parce qu’on n‘est plus et qu’ils sont déjà, parce qu’on n‘est plus et qu’ils sont encore.
Dehors, quelques vieux qui se pensent encore beaux s rejoignent sur un parking boueux.
Néons bleu et rouge, ce sont toujours les mêmes couleurs qui annoncent la vie, l’espérance, puis la douleur et la fin. Tout clignote. Voitures garées, comme ces cinquantenaires d’un autre siècle qui n’ont plus de leur miroir que ce film sépia qui leur sert de présent.
J’avais mis une belle chemise, des pompes cirées, un bénard un peu plus classe que celui des jours. De ceux qu’on n’ose que la nuit, parce que soudain on se sent prêt, parce que soudain on oublie, parce soudain on refuse de voir, depuis qu’on sait que le pathétique ne tue pas plus que les peaux qui s’éloignent ou les corps qui se refusent.
J’avais mis un belle chemise, attributs masculin en valeurs, du moins c’est ce que l’on croit que tous devinerons à travers nos étoffes légères. Dans cette masculinité poussée à outrance, celle du racolage passif, assis à regarder passer les autres, c’est là que je me suis senti le plus femme. Va comprendre, si tu n’as pas un jour croisé ces créatures jambes haut croisées faites pour croire aux marins bourrés des mers de solitudes qu’ils vivent, qu’ils existent, qu’ils peuvent boire jusqu’à tomber, et dans un rire gras, s’accrocher aux bas des belles tourelles qui veillent sur leurs fantasmes jusqu’au petit matin.
Assis sur mon tabouret, souriant bêtement comme une publicité, je tapinais mon corps, permettez-vous, madame, je suis là pour ça, permettez-vous monsieur de m’offrir à votre femme. D’amour, il n’en restera rien, vous le savez comme moi. Juste un dernier frisson, pour moi, vous, vous avez tout votre temps devant moi pour me gagner comme un hasard fait sa tombola.
Néon bleu et rouge.
Dehors, il pleut toujours. A l’intérieur au moins il fait chaud. Puis-je vous offrir un verre ? Pas de réponse, pas même un regard. Une seconde j’avais oublié que j’étais potentiellement gibier, et plus du tout le chasseur, le prédateur. Gibier sans collet, encore vivant mais qui seul le sait, tandis que tourne autour de lui un ballet lascif, scrutateur, un ballet qui suppose et soupèse les fruits flétris du marché des tabourets .
C’est-à-dire toi.
Ne regarde pas à gauche ni à droite, toi et personne d’autre.
Et que tu ne peux même pas te brader, te couvrir d’écriteaux pour dire je veux encore, pour dire je vis encore, pour simplement crier encore.
Passaient les belles, les hommes, toi, toi et puis toi. Moi plus déjà femme, redevenais un homme, mes larges épaules trahissaient mon subterfuge, plus que mon perchoir de moleskine et ma conso à cinq balles des soirées solitaires à regarder passer le feu dans le regard des autres.
Pas pour ce soir.
Comme les autres soirs, en fait, mais ça, on ne le dit pas trop, ici comme ailleurs, on se contente juste de compter ses dizaines par paquet de cinq, et sourire, sourire, sourire. Faire croire que l’on vit, que l’on écrit ce que l’on vit, qu’on vit encore plus fort que nos mots, alors que nous ne sommes que des lapereaux glacés de gel dans les phares des bagnoles qui nous suivent.
Plus dure sera la chute quand elle n’a déjà eu lieu.
Deux heures trente passées, j’ai abandonné ma place de lot à réclamer. Visiblement, personne n’avait eu le ticket portant mon numéro ce soir. Pas plus la blonde seule qui s’accrochait aux hommes choisis comme le vent qui s’enlace des toiles qui font les voiles. Pas plus la brune au bar qui m’offrait des sourires. Pas plus le mari de la rousse qui finissait de remplir son panier dans lequel je n’avais pas ma place. Sans doute encore une fois trop, ou pas assez, au final, ce serait assez juste comme épitaphe, ci-gît celui qui fût toujours trop ou pas assez, mais jamais comme on l’aurait voulu.
Un couple de vingt-cinq ans, âge ressenti comme une météo qui tournait à la tempête, m’accompagna dans ma sortie.
Profitez-en, leur ai-je dit, profitez de votre jeunesse et de votre beauté. Lamentable.
Ils ont souri, pensant sans doute à une dernière retape, quand j’avais déjà la tête à un dernier Coke, un dernier rai, que sais-je, de ce qu’on trouve à l’arrivée pour faire tourner la tête, ou quelques cachetons à quelques euros dealés dans d’autres vies.
Merci, m’ont-ils dit, bonne soirée.
Putain, bonne soirée.
Ils ne pouvaient pas savoir qu’il fut un temps pas si jadis où cette simple remarque m’aurait valu en retour une proposition de finir la soirée ensemble, au calme, loin de mon tapin prédateur, loin du rôle du gibier et du chasseur en même temps.
Bonne soirée.
Déjà les phares de leur petite décapotable jaune, très fun et très girlie s’éloignaient. Sans marquer de stop.
J’ai pris de l’autre côté.
Roulé doucement, puis suis rentré doucement, ne pas réveiller le chien. Les chats c’est autre chose, c’est plutôt la nuit qu’ils dansent, quand les souris flippent de voir leurs yeux s’allumer.
Coke. Celui avec bulle et sans les lignes.
Puis le plaid, sur le canapé, à côté du chien qui n’a pas encore levé les yeux. C’est vrai qu’il est vieux.
Vieux comme un type qui tapine sa peau, ses espoirs de frissons, alors qu’il range par cinq les bâtonnets des dizaines de sa vie.
Rien d’autre qu’un type qui fait semblant de ne pas savoir compter.
Un simple gibier sans collet, encore vivant mais qui seul le sait.

Photo Julie Ladret

Tag(s) : #textes et nouvelles d'aujourd'hui
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