Almanach Vermot 1938 - Anecdote historique - Paderewski et Nicolas II

Le conseil municipal de Varsovie vient de prendre la décision d’appeler le plus beau de ses jardins publics «  le parc Paderewski «. Au cours de la discussion qui s’est engagée au conseil sur la motion présentée, un des conseillers rappela les faits suivants :

«  Il y a une trentaine d’années, M. Paderewski donnait une série de concerts en Russie et arriva à Saint-Pétersbourg.

Il fut accueilli dès son premier concert avec un enthousiasme indescriptible et ne put arriver au Palais d’Hiver qu’avec un grand retard où Nicolas II l’attendait avec sa cour pour assister à un concert que M.Paderewski devait donner exclusivement pour le tzar.

Lorsque l’artiste eut terminé d’exécuter son programme, Nicolas II, entouré de sa suite, s’approcha du maître pour lui offrir une haute décoration russe.  Il dit en la lui présentant :

• Je suis particulièrement heureux de pouvoir honorer par cette distinction le grand artiste que vous êtes.

Paderewski, en entendant ses paroles, tressaillit :

• Majesté, dit-il sans hésitation, vous vous trompez je ne suis pas russe, je suis polonais.

Immédiatement Nicolas II retira son don et une grande émotion s’empara de tous ceux qui étaient là. Paderewski  avait osé adresser la parole au tzar de toutes les Russies en répondant à ses paroles sans son autorisation, ce qui était contraire à l’étiquette de la cour de Russie.  L’ordre lui fut donné de quitter immédiatement la Russie, et bientôt,  la bureaucratie, à son tour, défendit à tous les orchestres et associations musicales d’exécuter en Russie les œuvres de Paderewski.