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Ce cœur comme un marais
Une roselière matinée d'orties
De ciguës

Là, dans le vide
Entre les saules
Le mai des aubépines trace
Blanc
Le suaire d'un monde diurne
Sec

Moi Roi Triton
Ventre bleu et ponctué
Je souffle aux vents d'ouest
Cortèges de bouteilles ensemencées

2

Dire:
- C'est ma vengeance !
Avec dans le bas de la gorge
les babines retroussées
Les canines saillantes du molosse
aiguisées par la chair du pigeon
Respirer pour laisser fuir le râle
Et sortir du rôle

Alors la chlorophylle reprend son chemin
Et l'épervier se coule au-dessus des brisées

3

La première vie se pose
Un cri aigu, des ailes immenses
Explosent

Sous la clôture mon dos se segmente
Et craque
Puis vient le jasmin âpre du cheval
Le rythme lourd à quatre fers
Quinze ans sous sa bonde
Sellée à son ami
Le sourire d'enfant salue de vérité
Ces années de partage
La route est à elle
Moi je passe
Mon berger marche
Douze centimètres sur l'arrière de ma gauche
Quelque chose
se tord

Au marais les phragmites chantent
Effleurées du soir
Souples et inodores
Je foule la chlorophylle entre abeilles et gazouillis

Il faut bien remonter
Les plantes goûtent l'asphalte
Celui qui inventa la semelle
Tua Gaïa

4

Au creux du chemin la lumière révèle les âcres
Tombe mon ami
Il n'y a d'amours qu'au hâle des beaux jours
Tes muses sauvages
cadavres exquis,
S'accrochent à tes cheveux.

Tombe au putride
Écrase ton cuir de vase
Délecte-toi sanglier
La bauge émonde du fou
La bauge immole l'immonde

Batifole au bonheur de l'humide
mêle le cloaque à la menthe
ta masse aux tiphas
Et sens naître le cri
Il écarte ta cage
serpente
éviscère
Puis remonte retenu
Gradation lugubre de celui qui tranche son cœur

Le cirse peut fleurir
Le printemps peut finir
Les fées n'ont plus rien à tordre de tes pleurs

5

Je n'ai ô grand jamais confié au marais
L'âme de mes états
De suite j'y moisirais
englouti
digéré
anéanti
Et ce néant je le présente
Sauvage d'une framboise
Irrésistible à la vie
Grain sous la dent
Infime craquement

Valériane
Salicaire
Consoude
Je suis l'aulne
Je suis de sève et de bois
rouge
Officinal
Couleuvre à la place de l'œil sage
Je fouille un monde primaire
Infiniment mien

Je suis
Et j'oublie les cris

6

Au marais le vent, Prince
Échappe aux mots-clés
Chaque essence compose
Vibre
S'incline à sa levée

Et je passe
Tête droite
Main immense sur la courbure des roseaux
Autant de cordes à la caisse claire de mes pas
Au pincement de mes doigts

Au glissement du vent
Là-bas
Sur l'infini de vos gris
Il restera peut-être
Ce feutre emporté

7

Songe d'été
Au solstice rêvé
Tout s'embrase au bord des flammes
L'eau lie de sang le vin au ponant
Les notes se lèvent
Insomnie des vers
Gitans de mon enfance
Vous ! Enfin
Avant l'aurore

8

Au matin
Le marais me quitte
Asséché

On y rentre vide
Il nous laisse évadé

Il reste la rivière
Et une savane de brumes
échouées

J'espère
que c'était moi

photo Julie Ladret

photo Julie Ladret

Tag(s) : #poètes des profondeurs
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