Quel bon vin t'emmène
Toile : les Bachanales de Poussin
Dans son corps glisse
En tourbillons, en spirales
A gros bouillons
Le vin puissant, robuste, vivant
Foutrement tellurique !
Utopies... devant un verre orphelin
Bâbord, Tribord... Pied marin... universel !
Grec... égyptien... gaulois, juif
Peu importe,
Saute !...
Chaloupe chasse spleen
Sans boussole ni compas
Hisse le pavillon ! Prends le large !
Embarque-toi loin des pirateries,
Des courants conquistadors, des phares cupides,
Des fonds de cale amnésiques, des vigies intrigantes !
Il boit... le sang des dieux
Sirote leurs entrailles, Vampire insomniaque
Libation cosmique ! Seringue buccale !
Groupe rhésus compatible
Orgasme consanguin !
Fièvres de chants... sang de chœurs!
Liqueur au bout des doigts !
Il boit... le vin de l'amour
Le capitaine mélancolique, désobéissant
A la proue d'un reflet libertaire.
II s'enivre de latitudes, de métissages, d'Atlantide,
Sous des tropiques visionnaires.
Sur des caravanes d'étoiles du sud.
Tire les bords ! guidé par Vénus.
Flux, reflux ! Origine du monde !
Remous de vagues silhouettes entre deux rivages
Théâtre d'ombres. Désir du désir.
Esprit de roses des vents : Mauresques grisées !
Terre de feu cambrée : Argentines embrasées !
Mirages d'opium safran : Sultanes éclipsées !
Foudres arabesques : Andalouses électrisées !
Equinoxe de soie : Asiatiques empourprées !
Ouragan black : African queen enflammée!
Il boit... l'amour du vin
Sans faux col,
Cul-sec ! avec désinvolture.
Et lèche, volupté des voluptés, la goutte fugitive.
Lèvres corsaires... baisers kidnappés !
A l'abordage,
Paupières flibustières : repaires de corail ! A l'accostage,
Canines poudrières : magots ivoire !
Il boit... la révolte des damnés
Des thunes dans le juke-box, Dionysos !
Monte le volume ! Frappe le sol ! swingue !
Explose les murs de la sagesse bien-pensante !
Tend les mains vers la voûte tonnelée !
Capture le grand chariot de feu,
Mon verre grelotte d'ennui, d'hypocrisie.
Sers-moi ce vin chimérique, impétueux.
Répands ton breuvage explosif,
Que mon sang s'épaississe !
Qu'ils sombrent les matelots fanatiques,
Les seigneurs du pavois cannibale !
La soute dégobille ces aristocrates terroristes
Ejaculez dans vos aquariums totalitaires !
Pataugez dans vos empires strates puddings.
A nous les crayons de couleurs :
Esquissons d'un trait les non-sens,
Croquons la symphonie bigarrée
En deux coups de pinceau.
Comme bon nous chante :
Dans le cercle polaroïd de l'aurore,
En zigzag, en plein soleil,
En diagonale sous l'œil magnétique de la lune,
Cela nous enchante !
Ad vitam aeternam, objecteurs de conscience !
A mille lieues de vos chantiers navals,
Coudes levés à l'écueil de votre vaisseau fantôme.
Il boit... ses songes
Tout là-bas : bout de paradis... esquif du sans-souci
Petites goulées goulûment avalées.
Et trinque sur des rafiots de vignerons,
A la turbulence des insoumis
Qui tanguent chaque nuit,
Dans des grappes de chevelures chavirées.
Fruits mûrs de cris célestes.
Comètes urticantes : sillages d'éternels incendiaires.
Il boit : Evohé ! Evohé !
Il boit la liturgie de l'immortalité.