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Il y a fort longtemps, dans un pays qu'on nommait l'Empire du milieu ( la Chine ) vivait dans un palais luxueux entouré de sa famille une princesse nommée Linn. Elle n'avait pas encore quinze ans. Son père le mandarin Wan était était  un haut fonctionnaire de l'ancien Empire chinois.  Un jour il  présenta un jeune homme à sa fille en vue de la marier . Elle essaya de gagner du temps, ne souhaitant pas se marier si jeune :

-Je suis encore jeune ! se plaignit -elle ! De grâce, donnez-moi un an !

- Un an et pour faire quoi ma fille ? répondit le père agacé

- Père, promettez-moi que si d'ici un an j'arrive à vous surprendre , je pourrai alors choisir mon époux !


Le grand mandarin, bien que perplexe, accorda tout de même cette faveur à sa fille bien aimée, persuadé que d'ici un an elle épouserait le jeune homme que lui avait choisi. Linn réunit ses précepteurs et des savants et leur posa la question

- Comment puis-je surprendre le grand  Wan Sui Ye ( 萬歲爺, littéralement : Seigneur des Dix Mille Ans ).

Certains parlèrent d'un livre de magie qu'il ne connaîtrait pas. D'autres de sources miraculeuses qui rendaient la jeunesse, de parfums suaves , de soieries fines, de lyre d'or, de liqueurs euphorisantes, et même d'opium. Mais à chaque fois que l'on présenta l'objet « la chose « au grand maître, ce dernier ne parut pas surpris et ricanait :

-Je connais déjà tout ceci, ma fille ! Ce livre de magie, nous le possédons depuis longtemps, cette source n'a pas les vertus que vous dites, ce parfum m'indispose, ces soieries sont trop voyantes et criantes. ! .. Non, rien ne me surprend, ma petite Linn !


La jeune fille ne fut pas surprise car elle connaissait son père et sa grande culture. Il fallait qu'elle trouvât par elle-même la chose surprenante, inédite qui lui permettrait d'épouser un homme à son goût. Alors elle s'habilla en homme, dissimula ses cheveux longs sous un chapeau, prit un cheval et partit de village en village, de ville ne ville, questionnant à tout vent :

- Qu'avez vous de nouveau dans votre village, d'étrange, d'extraordinaire ?

Beaucoup de femmes et d'hommes la regardaient étrangement et se méfiaient. Ce jeune homme ne serait-il pas un envoyé du grand Wan venu espionner le peuple ? Ceux qui lui répondirent évoquèrent une grande muraille construite tout autour du pays mais Linn savait que son père connaissait cet ouvrage. D'autres lui parlèrent du thé du Sichuan venant de Perse, de poteries et de statuettes de cavaliers et de chameaux, fabriquées par des artistes perses, et couverts de vernis verts et bruns...Certains lui  présentèrent  des bijoux en argent copiés d'Iran,  de la poudre noire explosive, un objet rond nommé boussole qui parlait aux étoiles, un atelier d'imprimerie,un métier pour filer la soie, un moulin pour faire tourner les machines à tisser le chanvre. D'autres des céramiques magnifiques, des tableaux représentant les paysages de Chine, des textes, des récits, des poèmes et des romans, mais aussi de l'ivoire, des peaux de fauves d'Asie et du Sud est, des porcelaines et objets en laque importés d'Indonésie...

Mais à chaque présentation le grand mandarin répondait invariablement :

- Je connais cela ! En Chine nous connaissons cette invention ou cet art ! Rien ne me surprend.

L'année allait bientôt s'achever et Linn était sur le chemin du retour. C'était la nuit. Épuisée, elle s'assoupit sous un arbre qui sentait bon. Assoiffée, elle cueillit un fruit couleur orange. Elle le savoura religieusement. Ce n'était pas une orange. Le lendemain elle remplit son sac de ces petits fruits si délicieux et désaltérants, lorsqu'un jeune homme vint à passer.

- Eh là, mon garçon !  vous me volez mes fruits ! Je dois  vous arrêter et vous faire fouetter pour cela !

Lynn ne voulut pas lui répondre et enfourcha son cheval. L'homme la retint et dans un geste fit tomber le chapeau de Lynn. Ses cheveux dévalèrent sur ses épaules.

- Eh là mademoiselle ! Une voleuse chez moi ?

- Laissez-moi partir ! Criait Lynn vous ne savez pas à qui vous parlez !

- Et vous, vous ne savez pas sur quel domaine vous êtes entrée sans y être invitée et sur lequel vous avez volé !

- Je vous paierai dix fois le prix de ces fruits, dix, vingt fois !

Le jeune homme riait :

- Mes fruits ne sont pas à vendre, mademoiselle, pas plus que moi !

- C'est un dédommagement ! Insistait Lynn dont le sang lui montait à la tête. Laissez -moi partir !

Mais le jeune homme tenait bien les rênes du cheval et stoppa un coup de cravache que la jeune fille tenta de lui asséner.

- Allons, calmez-vous ! Je ne veux pas vous faire mal, je pourchasse les voleurs qui viennent chez moi se servir, expliqua le garçon d'une voix douce, descendez et expliquez-moi votre intrusion sur mes terres !

Lynn n'eut pas le choix et dut se présenter, elle la fille du Grand mandarin à la recherche d'un trésor pouvant surprendre son père !

- Je me présente à mon tour .Je m'appelle Yonn. Je vais  vous conduire  chez moi pour que vous puissiez vous rafraîchir car vous en avez besoin ! Mon père est un fonctionnaire du grand mandarin. Actuellement il est au palais. Il saura me dire s'il vous reconnaît et si vous dites vrai !

Lynn suivit le jeune homme. Il l'invita dans la demeure  familiale. Sa mère l'accueillit, rafraîchit le visage de Lynn en sueur et l'installa confortablement sur des coussins, lui proposant du thé. Lynn but le thé . Elle regarda autour d'elle : tout était harmonieux. Trois jeunes filles étaient assises en face d'elle :

- Ce sont mes sœurs ! Dit Yonn.

- Madame ! questionna Lynn .Comment avez- vous pu avoir des fruits aussi bons que ceux que j'ai cueillis. Ce ne sont pas une variété d'orange, n'est -ce -pas ?

La dame sourit :

- C'est une réalisation de mon fils et de mon époux : questionnez-les plutôt.

Le jeune homme ne se fit pas prier :

- C'est un fruit en provenance du Japon , cette île dans la mer...Ce petit fruit est un mélange d'orange et d'agrumes douces. Mon père passionné d'arboriculture aime créer, cloner de nouvelles espèces. C'est ainsi que ce petit fruit que nous appelons entre nous « doucette » a vu le jour.

Lynn et Yonn parlèrent des heures de nature, se promenant, riant, courant dans les grands champs fleuris du domaine. La jeune fille fut conviée au dîner et à coucher dans la demeure car la journée avait filé vite. Le soir, le père rentra. Il salua Lynn un petit sourire aux lèvres ! Le lendemain Yonn demanda à Lynn de rester encore mais elle répondit qu'elle devait rejoindre son père très vite. Elle promit de revenir. Elle quitta la maison emportant avec elle des cageots de « doucettes ».

-Enfin te voilà ma fille ! Je me suis inquiété ! soupira son père en la voyant.

- Père, j'ai pour vous une surprise qui, j'espère, vous surprendra et vous ravira !

Le grand mandarin s'approcha de sa fille :

-Allons, montre-moi !

Lynn sortit des cageots de fruits. Son père s'assit confortablement et regarda le fruit :

-Mais c'est une petite orange, ni plus ni moins ! Rien de surprenant !

- Attendez Père ! Fermez les yeux et savourez. Vous constaterez que ce n'est pas une orange : elle n'a pas le même goût …..

Le Mandarin obéit à sa fille et après avoir mis les épluchures dans ses mains laissa son palais maître de ses impressions et maître de ses sens. Il apprécia l'onctuosité du fruit, la délicatesse de la saveur fruitée, le parfum sensuel qui se dégageait à chaque gorgée. Il fut charmé et ouvrant  les yeux :

- Ma fille tu m'as surpris ! Dis-moi quel est le nom de cette douceur ?

- Père, elle n'en a point. Les cultivateurs l'appellent " doucette " mais moi j'ai pensé l'appeler »mandarine » en votre honneur ; en honneur de votre titre de Mandarin  !!

- Ma fille tu as gagné ton pari, tu m'as surpris et agréablement. Tu peux épouser qui tu désires ! 

- Fonctionnaire Rann  ! Venez noter l'apparition d'un nouveau fruit exceptionnel en Chine, « la mandarine ». Nous la cultiverons partout dès demain. Diffusez cette nouvelle dans tout l'empire du milieu !

L'homme s'approcha, un sourire aux lèvres. Lynn le reconnut : c'était le père de Yonn, l'agriculteur émérite, le fonctionnaire du palais  ! Elle était stupéfaite. Son père expliqua :

- Ma fille, en ton absence le vieux maître des écritures est mort : j'ai demandé à Rann, un éminent fonctionnaire très érudit venu depuis peu au palais, de le remplacer !

On annonça alors la venue du fils du Rann. Il salua Lynn et s'adressa au Mandarin :

-Seigneur, ce petit fruit est notre produit. Aujourd’hui je suis venu pour vous demander la main de votre fille Lynn si elle veut bien de moi !

- Quelle journée ! S'exclama le Mandarin ! Ma fille qui réapparaît, avec une merveilleuse trouvaille et pour finir un futur gendre ! Eh bien, que dis-tu, Lynn, ce jeune homme est il à ton goût  ?

Lynn rougit, prenant les mains de son père :

- Oui père ! il est de mon goût !

-Ma foi, jeune homme, vous êtes issu d'une famille remarquable qui a toujours servi l'empire et j'honore là la promesse que j'ai faite à ma fille bien aimée  Tout est bien dans le meilleur des mondes.

Et le mariage fut célébré sur l'heure.

Depuis, la mandarine venue de Chine qui porte le nom du mandarin s'est propagée en Europe et dans le monde entier.

 

Tag(s) : #les contes de Carmen Montet
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