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Rappel des faits : Un double meurtre sauvage.
Le lundi 27 juillet 1891, à la tombée de la nuit, les Dames Marcon, commerçantes bien connues, étaient assassinées chez elles, rue de Roanne. Ce double crime souleva une vive émotion, dans une époque pourtant blasée de meurtres. mais celui-ci rapproché des plus sauvages du temps, et peut-être commis par une bande, faisait partie de ceux qui échappaient à l'usage. Alors s'enfla vite la sourde appréhension de le voir, comme tant d'autres, rester inexpliqué.

LES AMANTS TERRIBLES

En guise de pavé, servi comme un poisson du 1 er avril, " Le Figaro " avait jeté dans la mare la version du Ravachol de Milhaud, au destin plus obscur que la Vénus...de Milo :

" Où gît-il ? Est-il en France, en Asie, 

Dans la Sénégambie ou la Polynésie ?

En quel golfe, île ou cap piétine-t-il le sol ?

Dans quel bois ?

Sur quel mont ? 

Dans quelle forêt vierge ? 

Dans quel château, taudis, villa, masure, auberge ?

Qui me dira, grand ciel, où trouver Ravachol."

Ce n'était pourtant pas faute d'avoir laissé vagabonder sa plume, mais il fut un pays que le journaliste Albert Milhaud ne pouvait prévoir : l'Espagne. le soir du 27 octobre 1891, le parquet reçut une dépêche annonçant l'arrestation à Barcelone d'un certain  Charreire, faux-monnayeur de Patroa.

Il y vivait en compagnie de Ravachol qui venait une nouvelle fois d'échapper à la police, en dépit d'un patient travail du chef de la sûreté stéphanoise, d'ailleurs couronné de succès : il avait localisé leur résidence à temps. Par contre la lenteur des formalités dressées par le barreau, eut pour effet l'arrivée trop tardive des mandats d'arrêt.  Informés à temps, les deux acolytes s'étaient enfuis. Si l'un d'eux avait été pris, le plus recherché, lui, courait toujours. Et le fait d'avoir retrouvé dans une cave, caché sous le charbon, une partie du magot de l'ermite assassiné à Chambles, ne représentait qu'une piètre consolation. C'était à la fin novembre, lors d'une perquisition au 73 rue Michelet, domicile conjugal de la femme Rullière, née Madeleine Labret, maîtresse de Ravachol, Elle avait précisément livré de nouveaux aveux.

L'ARGENT DU CRIME AUTOUR DE BADOUILLERE

Le 11 décembre 1891, elle faisait partie des quatre co-accusés à la cour d'assises de la Loire, qui devaient répondre de l'assassinat de l'ermite en l'absence du principal inculpé.

Depuis bientôt trois ans, la pétulante brunette délaissait lestement la couche légitime. Elle s'adonnait à de coupables amours partagées avec Ravachol. Ce fut d'abord au 27 de la rue d'Annonay, dans un hôtel qui offrait chambre meublée, mais surtout garnie...d'effusions effrénées, car la belle en privé révélait un fougueux tempérament. Ses ébats luxurieux l'exténuaient assez pour qu'il fallût du temps, à réajuster sa mise et à recouvrer ses esprits.

Moyennant deux louis, une location dans une maison de Villebœuf le haut offrit ensuite au couple un îlot de béatitude, du moins pour quelque temps, jusqu'à ce que Ravachol profitât des pentes dévalant la colline pour glisser des mains de la police venue l'arrêter.

Cependant, une perquisition dans l'appartement permit de découvrir deux valises remplies d'écus, qui restaient encore à écouler chez la femme Rullière, rue Michelet, sinon au 24 rue des Francs-Maçons, où elle avait loué une pièce voilà peu, afin de se procurer une ultime cache. De la sorte, elle pouvait aider Ravachol à y transporter le  " trésor " de l'ermite.

Au cours de l'audience de ce 11 décembre 1891, Madeleine Labret, épouse Rullière, fut interrogée la première. Elle comparaissait en tant qu'accusée de complicité de vol qualifié, dans le crime de Chambles, et de recel dans une autre affaire. la petite femme aux cheveux crépus portait à l'entour, sur la défensive, son regard noir d'une vivacité hargneuse, accentué par ses traits anguleux. Elle reconnut avoir été la compagne de Ravachol, dissimulé ses vols dont elle ignorait, dit-elle, la provenance.

Condamnée à sept ans de travaux forcés, elle fut, de la prison de Montpellier, où elle purgeait sa peine, transférée à celle de Montbrison quand commença, le 21 juin 1892, le second procès de son ancien amant. Les yeux embués lorsqu'elle l'aperçut dans le box, elle nia cette confidence qu'il lui aurait adressée, juste avant de s'enfuir quelques mois plus tôt : " Si l'on savait tous les tours que j'ai faits, on vendrait mon portrait dans les rues. " Alors elle s'écria, dans un suprême aveu à la face du tribunal : " je l'ai aimé, cet homme, je l'aime encore, et je n'en ai pas honte. Aussi je le supplie de ne pas m'en vouloir de ce que j'ai fait. "

Entre autres crimes non élucidés, celui de la rue de Roanne conservait son mystère...

A suivre 

Photo 1 Ravachol - Photo 2 : Ravachol et sa maîtresse ( dessin ) - Photo 3 : Le tribunal de Montbrison en 1892

Tag(s) : #le roman de l'Histoire Serge Granjon
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