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Pyrénées espagnols automne 1944

L'été s'était attardé sur les cimes des montagnes et dans la vallée. Les bergers tardaient à rentrer les moutons. La température était clémente et le vent très doux pour une fin octobre : « un été indien »  . Les gamins qui avaient repris le chemin de l'école attendaient la sortie pour se précipiter au bord des ruisseaux afin d'y tremper leurs pieds, faire des barrages, et d' attraper les truites et autres poissons. Les couleurs oranges et mauves illuminaient la nature et les feuilles dorées toujours bien accrochées aux branches refusaient de tomber. Les oiseaux migrateurs faisaient une pause dans ce  paysage grandiose. Même les grillons chantaient encore au crépuscule tombant. Les derniers , eux, papillons virevoltaient autour des colchiques et des rares edelweiss. La guerre semblait si loin ...Nous étions dans le Val d'Aran .

- Pablito il est l'heure de rentrer, regarde le soleil est couché !

-Si mama je viens ! lui répondit un petit blondinet qui courrait après des papillons bleus.

 - Viens ! Cria son père ! Pablito il n'y a plus de papillon. On rentre !

- Si ! encore deux ! répondit le garçonnet en pourchassant deux jolis papillons  bleu ciel.

 

Ce faisant le gamin s'était éloigné de la maison en direction du chemin qui menait à la foret. Comme il enjambait les ultimes coquelicots et bleuets, il s'affala de tout son long. Il venait de trébucher sur une grosse racine. Sa jambe lui faisait mal. Entouré de hautes herbes, personne ne pouvait l'apercevoir. Soudain, sur le sentier, il entendit des bruissements suspects.

- Sauvé ! se dit l'enfant  ! je vais appeler !

Comme il essayait de se relever, il vit trois camions stopper devant la ferme et des guardias civiles en sortir. Terrorisé il assista à l'arrestation de son père Andrés, de sa mère Rafaela de son frère Manuel  âgé de onze ans ainsi que de son oncle et sa tante. Son cousin Juan, âgé d'une vingtaine d'années, essaya de leur échapper, mais une balle vint arrêter sa fuite. Pablito paralysé regardait sa famille monter dans un de ces camions qui démarra aussitôt. Hébété, il resta un long moment sans réagir.

Il resta ainsi, toute la nuit, ne pouvant bouger et n'osant appeler de peur que les militaires viennent le chercher, à son tour. C'est à l'aube que le chien de Domingo, un ami de son père ,le retrouva transis de froid et en état de choc.

Domingo apercut dans l'herbe près de la maison, le corps de Juan et se précipita vers lui... Il était bien trop tard. Le jeune homme était mort sur le coup. L'homme ramena l'enfant chez lui, il sanglotait à présent.

- Ollanda ! Fait vite ! Le petit a une entorse ! J'ai trouvé Juan mort une balle dans le dos, cria Domingo à sa femme

- Quoi que s'est -il passé ? Pablito qu'est-il arrivé, parle mon enfant.

Mais Pablito, en état de choc ne pouvait parler.

- Le gosse a du  assister au meurtre de son cousin et à l'arrestation de ses parents  Andrès, et Rafaela. Il a subi un choc et il ne parle plus  ! Il y a des traces de camions. Les franquistes ont dû  tous les emmener.

- Madra mia ! Tu es aussi en danger ! S'ils apprennent que tu es des leurs, qu'allons nous faire por Dios !

- Calme toi, femme, Personne ne le sait. Seul Juan était au courant et il ne parlera plus le pauvre.

-Personne, tu es sur ? Pas même Andres, le père du petit ?

- Non Juan ne tenait pas à le mêler à notre projet à cause de sa famille..

-Mais ils vont les torturer tout de même ! Murmura doucement Ollanda tout en soignant l'enfant

- Chut ! Fit Domingo. Pablito en a eu assez ! Je sors ! Ne m'attends pas et ne t'inquiète pas je rentrerai tard.

- Mais où va tu ?

- Moins tu en sauras et mieux ce sera ! L'homme prit son fusil sa casquette et sa gibecière et son vélo .

-Pauvresito ! Pauvre enfant ! dit Ollanda en embrassant Pablito.

-Tu sais je vais bien te soigner car j'étais infirmière pendant la guerre... Allez, voilà c'est fini !

Pablito tourna sa tête vers le mur et se mit à pleurer.

- Ne pleure pas mon pitchoun ! Tu sais ton père et ta mère ne craignent rien puisqu'ils n'ont rien fait ! Ils vont les libérer, courage !

Mais Pablito ne croyait pas à ces mots. Il avait cinq ans tout juste mais il était dégourdi et sa silhouette ne passait pas inaperçue : il était très beau avec un visage fin aux traits réguliers entouré de boucles blondes, avec et de grands yeux bleus.

La brave Ollanda s'occupa de lui comme une mère. Deux semaines s'écoulèrent. A présent Pablito pouvait remarcher avec un bâton mais refusait toujours de parler.

Un jour que Domingo était parti comme à son habitude, des militaires enfoncèrent la porte de la maison d'Ollanda. Ils venaient d’arrêter son mari. Ils l'embarquèrent ainsi que l'enfant.

- Ne lui faites pas de mal ! Il s'est blessé !

- C'est votre enfant ?

- Mon petit fils , Pablito !

- Ses parents ?

- Morts tous deux pendant un bombardement ! Par bonheur le bébé était avec moi : il n' avait que quelques mois !

La femme fut emmenée dans un centre d'internement où il y a avait une antenne médicale de la croix rouge. Juste à coté, Pablito fut conduit à la croix rouge.

- Comment t'appelles tu ? Questionna une infirmière ?

L'enfant ne répondit pas .

- Il a été traumatisé par l'arrestation de sa grand mère et de son grand père, Ajouta un homme, un médecin . La grand mère m'a demandé de l'aider car il ne parlait pas et m'a dit de l'appeler Pablo.

- Pauvre petit et pauvre femme  ! Soupira l'infirmière.

Dona Isabel

Pablito resta dans cette antenne médicale une semaine. Un soir, il vit arriver un homme blessé que deux gardes civils surveillaient. C'était un ami de Domingo et Juan. On venait de fusiller des otages car une caserne de la guardia civil venait d’être attaquée par des maquisards et cinq militaires avaient été abattus. C'était la tentative de reconquête de l'Espagne par des guérilleros espagnols revenus de France après la guerre  et la libération de nombreux pays du joug nazi !

L'homme reconnut l'enfant. Pablito essaya de lui demander des nouvelles de ses parents et d'Ollanda en faisant des gestes ...Le blessé le comprit mais n'osait lui dire la vérité et se taisait. A la caserne de la guardia civile toute proche il y avait une grande effervescence, à cause de l'attentat et des otages fusillés en représailles.  L'enfant se doutait que quelque chose de terrible s'était passé. Un militaire laissa tomber une affiche et Pablito s'en saisit : c'était les visages des 20 otages qu'on venaient de fusiller. Parmi euxux, il reconnut, Domingo, son père Andrés, Olanda, sa mère, son frère...ses grands parents...tous ceux qu'ils aimaient, morts assassinés par la junte franquiste.

Il se mit à pleurer et à se rouler au solen hurlant de chagrin. L'infirmière fut appeler par des guardias civils incommodés par l'attitude du garçonnet.

- Faites le taire ou nous le ferons pour vous !

-Soyez cléments, Ce sont ces grands parents sur l'affiche , la seule famille qui lui restait !

- Quelle importance, ce n'était que des traitres à Franco. Faites-lui une piqure ! ordonna le militaire ou alors...

Une voix féminine répliqua alors:

- Cela suffit,  laissez cet enfant tranquille ! Pauvre petit je m'en occupe !

- Vous, Dona Isabel ? répondit le soldat surpris par l'intervention de la femme.

C'était l'épouse du lieutenant colonel. La jeune femme attendrie devant la douleur de l'enfant, le prit dans ses bras et le berça puis  le ramena à l'infirmerie où elle resta vers lui jusqu'à ce qu'il s'endorme. Elle vint le voir tous les jours, soucieuse de son ben -être.

- Vous savez madame il ne parle pas ! 

- Vous voulez dire qu'il ne parle plus ! Je suis sûre qu'il a parlé avant ! Pas étonnant  qu'il n'ait plus de mots  après le choc qu'il a reçu.  Je vais m'en occuper, désormais, il est sous ma garde.

Effectivement Dona Isabel rendit visite à son petit protégé durant des mois. Cette jeune femme ne pouvait avoir d'enfant . Cela faisait dix ans qu'elle avait épousé Carlos, ce militaire franquiste qu'on' lui avait présenté. Issue de la haute aristocratie Dona Isabel n'avait pas eu son mot à dire sur le choix de son mari. Un aristocrate également. Isabel avait été mise dans un couvent dès l'âge de six ans et n'en était sortie que pour se marier. Très romanesque et rêveuse, c'est dans la littérature qu'elle s'était évadée. Elle proposa à son époux Carlos d'adopter le petit mais ce dernier s'y opposa :

- Un enfant qui est muet ? Tu n'y pense pas ! Nous adopterons un ou plusieurs enfants orphelins des nourrissons en pleine santé physique et mentale. J'ai une très bonne adresse, des religieuses !

- Carlos as-tu vu cet enfant ? Il est beau comme un dieu ! C'est le seigneur qui l'a mis sur notre route !

- Mais il est handicapé ! Il ne parle pas et qui sait, il est peut être idiot ?

- Idiot ? C'est l'intelligence même ! Nous pourrons lui trouver comme tu as dit des frères et des sœurs, par la suite !

Carlos ne put s'opposer davantage à sa femme et Pablito vint vivre dans la maison de Dona Isabel. Une année passa le couple quitta les montagnes pur aller vivre à Madrid. Le temps passant et l'amour d'Isabel eurent raison des craintes de l'enfant qui se sentait heureux avec sa nouvelle famille Puis Carlos revint un jour avec un couffin et à l'intérieur un bébé : une charmante petite fille . Quelle ne fut pas la joie d'Isabel.

- Et ses parents ?

- Des terroristes incarcérés  : la mère ne pouvait l'élever en prison . Les bonnes sœurs lui ont dit après l'accouchement que le bébé était mort ...Je leur ai donner une bonne somme pour leurs œuvres..

- Ce n'est pas chrétien de dire des mensonges aux parents  et de leur enlever leur enfant !

- C'est pour le bien de l'enfant ! Que veux -tu ? Ce sont des basques condamnés à vingt ans de prison !Le bébé allait aller où ? Dans un de ces orphelinats si triste ? Ce bébé ne sera t'elle pas mieux avec nous ?

-Tu as raison Carlos ! Excuse moi ! Tu as bien fait ! Voilà ta petite sœur , Pablito ! dit elle en présentant le bébé au garçonnet. Pablito croyant  qu'on allait l'abandonner pour la nouvelle arrivée  se mit à hurler :

-Non je ne veux pas aller avec les guardias civils !

Il allait avoir sept ans ! De son passé, il n'avait gardé aucuns souvenirs. Les cinq premières années avec ses vrais parents il les avait effacer de sa mémoire. Le traumatisme, lui avait fait tout oublier, avait enfoui dans son inconscient tous les évènements dramatiques qu'il avait vécu et dont il avait été le témoin.. 

- Mais non  Pablito ! Répondit le lieutenant ! Je ne vais pas te confier aux guardias civils ! tu es notre fils à présent !

-C'est merveilleux ! deux merveilleuses nouvelles aujourd'hui : l'arrivée d'un nouvel enfant et la parole redonnée à mon Pablito ! la jeune mère venait de se rendre compte que pour la première fois depuis qu'il vivait avec eux Pablito avait parlé.

On baptisa la petite fille  du nom de Victoria car c'était un jour de victoire pour ce couple ; victoire sur la malchance de ne pas avoir d'enfant biologique et victoire pour la guérison de Pablito .

 Pablito

Les deux enfants furent élevés dans la religion chrétienne, dans une famille riche, qui les combla et les protégea des difficultés de la vie. Pablito aimait toujours les papillons, et la montagne. Il demanda à retourner pour les vacances dans les Pyrénées et comme sa mère ne lui refusait rien, la famille passa tous ses étés entre la Navarre, le pays basque, le Haut Aragon, la Catalogne et Andorre. C'est là qu'il respirait vraiment qu'il sentait une force qui l'attirait comme un aimant.

Poussé par Carlos et Isabel, il fit des études de langue. Il apprit le français et l'anglais et étudia le droit. Carlos le recommanda à un ami qui dirigeait un cabinet d'avocat spécialisé en  droit international. Ce n'était pas sa tasse de thé mais Pablito ne voulait pas déplaire à son père aussi il accepta de travailler dans le cabinet.

A vingt cinq ans il était toujours aussi beau. Il épousa une jeune fille originale, de très bonne famille, qui voulait faire du cinéma. Après sept ans de mariage, sans véritable amour, la jeune femme qui ne désirait pas avoir d'enfant, le quitta pour rejoindre un producteur en Amérique.

Pablo se remit en question. Ces sept années passées ne l'avaient pas satisfait : tant dans sa vie professionnelle que personnelle. Il s'était ennuyé au bureau et à la maison ! Il éprouvait un besoin de tout bouleverser mais ne savait par où commencer. Il s’intéressa alors à la politique... et contre l'avis de son père décida de défendre les basques de l'ETA dont il comprenait les motivations. Pendant deux ans il apporta son soutient aux basques de l'ETA, lors de leurs procès  : nous étions en 1974.

Micaella et Jorge

Sa sœur Micaella était elle,  tombé amoureuse d'un jeune médecin, Jorge, venu du Mexique. Le jeune couple ne tarda pas à se marier. Le père de Jorge ne put assister au mariage : il était proscrit en Espagne car il avait fait la guerre civile en tant que médecin colonel du coté des républicains. Il était un indésirable dans son propre pays. Après l'exode « la retirada, » il s'était réfugié en France. On l'avait mit dans un de ces camps de concentration inhumain et fut enfermé dans la forteresse de Collioure. Par bonheur il put en échapper et s'embarqua avec un groupe d'amis dans un navire en partance pour le Mexique. C'est là qu'il poursuivit sa vie. Il se maria avec une réfugiée comme lui et eurent des enfants, Jorge et deux filles. Jorge suivit le chemin de son père et fit des études de médecine. Il voulut connaître l'Europe. Il débarqua à Madrid et fut admis comme interne au grand hôpital. Dans une soirée étudiante, il rencontra Micaella. Ils s'aimèrent au premier regard.. Jorge apprit beaucoup de choses à Micaella sur la guerre civile sur cette page d'histoire cachée, dont elle ignorait tout : la République du front populaire, le soulèvement des militaires, Franco et ses amis Hitler et Mussolini, la révolution espagnole, les collectivités, les brigades internationales, la chute des républicains, l 'exode, l'exil , les camps en France, la dictature de Franco, le rôle de l'Eglise, la répression républicaine, les charniers, les enlèvements, les mouvements séparatistes ... La jeune femme découvrait effarée une autre « Espagne », celle dont elle ignorait tout, la souffrance, les morts, l'injustice.. . L'affection qu'elle portait à son père et à  sa mère lui interdisait de les juger, eux les gens « biens » catholiques franquistes, militaires ! Elle n'osa jamais aborder ce sujet avec eux.

 Micaella épousa Jorge et mit au monde un bébé : une fille.  La grossesse s'était bien passée.  Micaella voulut l'appeler » Elena « sans trop se l'expliquer. Puis elle fit une grave dépression. Cela arrive parfois à des mamans après la naissance. La jeune mère avait perdu tous repères, et sombrait dans la mélancolie, ne reconnaissant personne .Tous les traitements s' avéraient impuissants. Dona Isabel s' occupa alors du bébé.

La vérité

Un année passa. Le dictateur était mort enfin ! Un jeune psychiatre venait d'arriver à l’hôpital ou exerçait Jorge. Il pratiquait l'hypnose pour guérir des maladies mentales et psychiques. Jorge lui demanda d'hypnotiser son épouse pour la sauver d'elle-même. Il accepta et un après-midi Jorge emmena Micaella dans le cabinet du psychiatre.

- Son trouble est du à la naissance ! dit le spécialiste

- Oui à la naissance de notre fille ! Répondit Jorge

- Non , à sa naissance ! À la naissance de ta femme .

 La première séance d''hypnotisme se déroula difficilement Cette descente dans l’inconscient fit ouvrir des portes secrètes auxquelles Micaella n'avaient pas eu accès. . Elle revécut l'accouchement de sa mère, sa naissance, la séparation d'avec sa mère , ses pleurs de désespoir, ses cris dans les couloirs obscures, ses pleurs de nouveau né ...Le psychiatre avait mis le doigt sur le traumatisme enfoui et qui s'était révélé lors de l'accouchement de Micaella.

Très perturbée Micaella en conclut que Isabel n'était pas sa mère biologique mais sa mère adoptive. Elle n'osa la questionner mais elle se confia à son frère. Pablo très ému convint qu'il n'avait aucun souvenir de sa petite enfance avant six ans, il se souvenait juste que son père était arrivé un jour avec une petite sœur dans un couffin. Intrigué il voulut à son tour se faire hypnotiser.

La, il revécut sa première vie à la montagne, ses parents, son frère, ses grands parents, son oncle Juan, les maquisards qui préparaient la reconquista en 44 pour dégager Franco ; sa désobéissance pour poursuivre des papillons , l'arrestation de la famille, le meurtre de son oncle sous ses yeux, la perte du langage et de la mémoire. Il comprit pourquoi il affectionnait tant les montagnes et les papillons  : ils lui avaient sauvé la vie !

Micaella se sentant mieux décida d'aller avec son frère questionner leurs parents. Leur père adoptif était très malade mais il voulut répondre à leurs questions afin de libérer sa conscience :

 -De toi Pablo je ne sais rien sur ton passé, sauf que tes parents étaient des maquisards qui fomentaient un coup militaire, en novembre 44. Des troupes venues de France devaient renverser Franco, mais leur projet échoua. On encercla les factieux, ils durent fuirent dans la montagne. Tes parents étaient des leur. Ils furent arrêtés trainés devant un tribunal et fusillés pour haute trahison.

- Et mon frère de onze ans , qu'est -il devenu ?

- Je ne sais pas !

- Quand Isabel t'a trouvé tu étais si choqué que tu ne parlais plus. Puis nous t'avons élevé comme notre propre fils ! Que fallait -il faire ? Nous t'avons sauvé de mauvais traitements c'est sur ! Nous t'avons aimé et mis là où tu es !

- Et moi ? Questionna   Micaella ! C'est toi qui m'a ramenée à la maison. Explique -moi comment !

- Micaella nous t'avons sauvée aussi de mauvais traitements. Ta mère était condamnée à vingt ans de prison comme ton père c'était des séparatistes basques. Les religieuses leur ont dit que tu étais morte née.

- Leur as tu donné de l'argent en échange ?

- il fallait aider les religieuses et leur hôpitaux et orphelinats !

- Vous m'avez achetée ?

- Mais non ! on a fait un don à l'église.Tu sais combien Isabel est croyante

- Des croyants qui enlèvent des nourrissons aux parents ?

- C'était après la guerre …

- Et ma mère et mon père n'avaient-ils pas de famille à qui j'aurai pu être confiée ?

- Certes, mais des gens humbles ! peut-être des proscrits aussi qui ne t'auraient jamais donné ce que nous t'avons donné Micaella  et ce que nous te laisserons car tu es notre fille !

- Mes parents sont -ils toujours en vie ? Questionna Micaella

- Je ne sais pas après tout ce temps !

La jeune femme se leva, prit son bébé et partit avec Jorge. Elle avait besoin de distance et de temps pour digérer ces révélations capitales. Elle rechercha ses parents. Elle eut quelques informations sporadiques. Sa mère se prénommait Elena ! Ce prénom qui résonnait dans le coeur et dans sa tête depuis si longtemps. Son père était mort au bout de trois ans d'incarcération d'une pneumonie et de mauvais traitements. Sa mère avait survécu et avait été libérée au bout de dix huit ans de prison. Elle avait quitté l'Espagne pour une destination inconnue.

Carlos mourut peu après, toutes ces révélations, toute cette honte, ce déshonneur l'avait rattrapé et le départ de sa fille l'avait achevé.

FIN

Micaella quitta Madrid pour aller vivre au Mexique auprès de la famille de Jorge, laissant Isabel seule car Pablo avait tout lâché : sa situation de nantis, son cabinet d'avocat et de juriste, son appartement même sa dernière compagne. Il avait eu besoin de faire table rase dans sa vie pour tout recommencer, tout reconstruire : en fait pour, renaitre.  Il s'était installé dans les Pyrénées dans le val d'Aran et s'occupait d'un troupeau de moutons...Il était redevenu berger... 

Abandonnée de tous ceux qu'elle aimait, son mari décédé, ses enfants si loin d'elle, Isabel ne voulut plus vivre et se laissa mourir de tristesse à l'aube des années 80. Après sa mort, Micaella ne baissa pas les bras et lança des recherches pour retrouver Elena sa vraie mère

30 ans plus tard, les pages secrètes du franquisme dévoilées,  Micaella lança un appel international sur le web et reçut une réponse. Une certaine  Elena Marquez lui disait être sa mère. Elle vivait à Cuba depuis vingt ans. Elle invita sa fille à la rejoindre à la Havanne. Micaella, sa fille et son mari, s'embarquèrent pour les Caraïbes. Les retrouvailles furent émouvantes et Micaella décida de rester à Cuba aurprès de sa mère. Son mari l'approuva : Cuba était proche du Mexique de sa famille de son père sa mère, ses sœurs.... Médecin il trouva bien vite du travail. Micaella aida sa mère dans sa petite échoppe d'art et d'artisanat cubain et Elena junior grandissait dans l'amour au sein d'une famille enfin réunie.

Quant à Pablo, il finit par retrouver à la fin des années 70 ce qui lui restait de sa famille : son frère ainé Manuel ! En 1944, le jeune garçon avait été placé dans un orphelinat du nord de l'Espagne. Lors d'un incendie, il avait trouver l'occasion et la force de s'en échapper. Il avait douze ans. Avec trois copains de fortune, ils passèrent les Pyrénées cachés dans un camion et arrivés en France se présentèrent à la croix rouge  ; des orphelins dont les  parents, des républicains  espagnols avaient disparus. Mineurs ils furent placés dans un foyer. Ils apprirent le français et firent des études et travaillèrent dans des fermes. Manuel devint ébéniste mais lui aussi était attiré par la botanique, les insectes, la biologie, la nature, l'espace, la liberté, l'élevage. Ils suivit des cours et obtint un diplôme d'agronomie ...Il avait épousé la fille d un de ses professeurs. Il avait trois enfants...Après plus de trente années de séparation les jours heureux pouvaient commencer pour les deux frères. Le juriste reconvertit en berger, fit découvrir la chasse aux papillons à ses nièces et neveux en les conduisant dans ses montagnes du Val d'Aran. C'est à cette époque que Pablo fit la connaissance d'Eléonore une jeune militante écologiste, maitresse d'école . Ensemble ils scellèrent leur destin. Pablo eut deux jumeaux une fille et un garçon: Raphael et Andréa . Il leur transmis également la passion pour « las mariposas » ( les papillons ). Installés dans leur petit village non loin d'Oloron, Pablo devint le conservateur d'un musée d'histoire naturelle très prisé  : le musée des papillons. Il ne retourna jamais  en Espagne mais revit à Cuba ma sœur et sa famille.

 

 

 

 

Tag(s) : #les contes de Carmen Montet, #textes et nouvelles d'aujourd'hui
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