La nuit dernière
Je suis sortie
La faim au ventre
Tu m'avais affamée
Une fois encore
Une fois de plus
La fois de trop.
J'étais décidée.
Cette nuit serait celle
Où j'assouvirais
Ma trop grande faim.
Le premier venu
Serait le bon
Qu'importe le flacon...
J'allais enfin
Me laisser faire
Me laisser prendre
Par un autre que toi.
Abolir le joug
De la dépendance
Etre libre, libérée
Vibrer sous d'autres doigts
Ne plus être ta chose.
Fallait pas m'affamer.
Cette nuit sera la nuit
Du festin attendu.
Le premier venu
Sera le bon
Et ce sera bon
De mettre ma langue
Dans sa bouche.
Je serai le flacon...
Il me remplira
Et nous aurons l'ivresse.
J'aurai le corps à corps
Que tu promets
Sans jamais t'accomplir.
T'as allumé le feu
Un autre va l'éteindre.
Il faut savoir perdre
Au jeu
Mon amour.
Je serai sa chose
Plus la tienne.
Fini ta chienne
Tenue en laisse
Le corps aux abois.
Fini mes sens
En esclavage
À ton corps
Suspendus.
Le premier venu
Aura le droit
De goûter
À pleine bouche
Au fruit défendu.
Un bar bondé
De mâles en rut
Des prédateurs
Comme toi.
En quête de chair.
C'est si facile tout ça
Tellement convenu
Presque affligeant.
Ça s'est produit
Mes cuisses ouvertes
Accueillantes.
Mon ventre
Tourmenté et avide
Offert.
Je l'ai dévoré
Lui, le premier venu
Sans prendre le temps
De le goûter
De le déguster.
Je l'ai avalé
Sans discernement
Sans même le regarder.
Je l'ai senti
Sans frémir.
Ça s'est produit
Une série d'allers-retours
Dans le bas-ventre.
Plaisir animal et futile.
A mon corps défendant
Je n'ai rien défendu.
Pourtant...
Cette nuit fut la nuit
De l'illusion
Celle où j'ai cru
Qu'il suffisait de vouloir
Pour être.
Je voulais être libre
Mais...
Pas l'ombre d'un frisson
Et je sais le pourquoi...
Le premier venu
A eu le mauvais goût
De ne pas être toi.
Qu'importe le flacon
Sans toi, jamais d'ivresse.
Extrait de "DeSirium tremens"