Les poètes du CLA : Anne Chantal Berger / Gilbert Puech
Ombres secrètes
Tout ce que ses yeux ont pu voir
Amoureusement la respire.
Le crépuscule dans le soir,
Coud, à l'horizon, son sourire.
Tout ce que ses mains ont touché
Délicatement la caresse.
Son lit, son fauteuil esseulé,
Sentent l'odeur de sa jeunesse.
Tout ce que sa voix a chanté
Fidèlement nous la murmure.
L'écho sur l'espace mouillé,
Est plein de mots de sa lecture.
Tout ce que sa lèvre a baisé
Savoureusement l'a gardée.
Objets, jardins, son chien Neslé,
Même les joues de sa poupée.
Tout ce que son coeur a aimé
Jalousement la pérennise.
L'aube lui tend l'éternité,
Non ! La mort ne l'a pas toute prise.
Anne-Chantal Berger - Poésie en Stéphanie -1998
Photo : F.Baclet
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Sur la tombe familiale
( Hic Jacebo cum meis )
A l'entrée de ce champ - il paraît qu'on y dort
Sans être pour autant au royaume des morts -
J'ai lu en frontispice la latine mention
Qui nous vient rappeler l'humaine condition.
Je voudrais reposer sous cette humble pierre,
Couronnée de pavots avec rampes de lierre,
Symbole du sommeil, marque d'attachement,
Près de tous ces noms gravés de souvenirs récents.
ils sont partis un jour, quittant la longue route,
Pour être déposés au domaine du doute :
Sur le marbre est écrit : " Je ne sais, mais j'espère ",
Épitaphe commune à tant de cimetières.
Près de ses chers parents, ce sera donc un fils
Qui clamera pour vous un chant " De profondis ".
Mais si pour la Toussaint, vous nous portez des fleurs,
Avec pensées émues, ne versez pas de pleurs.
Car de tous ces biens qui vous furent transmis,
Reste le plus précieux, simple chaînon de vie.
Et quant aux étrangers, qu'ils passent leur chemin :
Ci-gît dans son caveau...celui qui ne fut rien.
Gilbert Puech - Poésie en Stéphanie - 1998