Nous aimions le western avant de connaître les auteurs, nous l'aimions sans préjugés, " Les rôdeurs de
la plaine ", " Le souffle de la violence ", " la diligence vers l'ouest " et ces " Grands espaces " que nous ne savions pas tant décriés par la critique. Se
sont-ils copiés les uns les autres, ceux qui jugeaient le film de Wyler académique, lourdingue , trop " écrit " ? Un " surwestern "? Et pourquoi pas, pour en finir avec les idées reçues
?
Le western lutte des bons contre les méchants ? ALLONS DONC...ici, on a un mal fou à les départager, tous les personnages ont leurs raisons, même les plus
primaires : Peck, Heston, Ives, Connors donnent vie et épaisseur aux archétypes qu'ils sont chargés d'incarner, idem pour les femmes Caroll Baker et Jean Simmons qui nous épargnent les scènes
d'amour conventionnelles.
Le " message " des " Grands espaces " ? Il doit être mis fin à l'époque primitive et sauvage pour que l'ordre et la loi s'installent et que la violence ne régisse pas tous les rapports humains.
Il se trouve que ceux qui représentent les paliers successifs à franchir pour arriver à la civilisation ne sont pas tout d'une pièce comme ce vieux chef de
clan, écho du vieux Clanton de " la poursuite infernale ", qui ambitionne de se conduire comme un gentleman alors que le major Terryl, grand propriétaire, est moins guidé par la clairvoyance que
par l'instinct de violence et la vengeance.
Le " message " de la mise en scène est aussi évident, les grands espaces ont toujours été là, indifférents aux querelles humaines réduites à un affrontement de fourmis.
Gregory Peck débarque dans ce ranch et semble ne pas vouloir jouer le jeu en feignant la couardise, il apparaît parfois un peu tordu et masochiste dans sa volonté de faire le " pied tendre ". Il dompte le cheval sans témoin et dérouille Heston, la nuit tombée.
On pourrait continuer en évoquant les antagonismes Terryl-Hennessy la sauvagerie domestiquée du premier le sens de l'honneur dissimulée par la grossiereté
du second, Peck-Heston l'homme de l'est habitué des océans et le terrien de l'ouest, la fille gâtée et l'institutrice émancipée, le tout ponctué par une musique jubilatoire dès le beau
générique épousant le mouvement d'une roue de diligence dans un vaste espace désertique, Jerome Moross en est l'auteur, j'ai cru longtemps qu'elle était de Dimitri Tiomkin ( OK CORRAL, LE TRAIN
SIFFLERA TROIS FOIS ) tant elle est ample, puissante et lyrique.
Si le chef-d'oeuvre n'a pas été reconnu, on incrimine le manque de maturité du jugement esthétique, si au contraire on a crié au miracle on invoque cette même évolution du goût pour diminuer notre enthousiasme.
A l'image des grands espaces restons indifférents à ces querelles...Retrouvons notre regard vierge de
préjugés et à cet égard le film de William Wyler gagne haut la main son procès en appel.
CINE PHILL