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L île de la baleine : Irlande du Nord, en mer d' Ecosse. « Windcoast « petit port sur la côte ouest irlandaise, balayé par les vents. Un 30 octobre, veille du 31 : fête celtique du solstice d'Hiver. Dans cette région du Nord de l'Irlande, les légendes et les traditions font partie de la vie des habitants. Le folklore, avec sa musique, ses danses, ses coutumes, rythme le quotidien assez rude des gens de la mer. C'est au » pub » ( café restaurant ) que tous aiment se retrouver, le soir, autour d'une bonne bière, pour écouter les histoires extraordinaires rapportées par les marins.  Peu de touristes s'aventurent aussi loin sur l’île, dans cette contrée peu hospitalière balayée par les tempêtes.

Afficher l'image d'origineNous allons vous raconter l'histoire d'un de ces vieux marins : « Jack « qui entraîna dans sa dernière aventure, le tout jeune Frank. Frank,  un garçon âgé d'une douzaine d'années qui était le fils cadet du propriétaire du « pub ». Très fantasque, et avide d'imprévus, il aimait écouter ces légendes que rapportaient les pêcheurs quand l'alcool leur était monté à la tête.

30 octobre, le pub était plein comme de coutume. Le vieux Jack y avait pris racine et tout un chacun voulait l'écouter. Il se mit en devoir de raconter pour la centième fois l'aventure dont il avait été le héros.

- J'avais à peine quinze ans et je m'étais amouraché de Clara, une jeune fille dont les parents étaient des émigrants. Elle était arrivée avec eux, en mai dans notre petit port et désirait rejoindre l'Angleterre avant l'hiver. Cette famille venait de loin, du Sud .Clara était charmante et nous passâmes ensemble les mois d'été. En septembre ses parents affrétèrent une pauvre embarcation où ils placèrent leurs maigres économies. Ils payèrent bien cher ce maudit bateau à ce vaurien de Jimmy. Je ne voulais pas que Clara parte, mais elle promit de me revoir bientôt. La famille s'embarqua donc sur ce vieux rafiot qui, bien sûr, ne résista pas à la première tempête et coula. On ne retrouva que quelques débris de la barque, deux sacs d'effets personnels et un seul survivant accroché à un morceau de ce qui restait de la coque : le jeune frère de Clara, Vincent. Nous le secourûmes. Plus tard, il fut recueilli par sa famille d'Angleterre. Je sombrais alors dans une profonde mélancolie. La nuit, lorsque je dormais, il me semblait voir Clara qui m'invitait à la retrouver bientôt sur une île mystérieuse.... Quelque temps plus tard (un 30 octobre, je me souviendrai toujours de cette date ), mon père, marin comme tous les hommes d'ici, décida avec mon oncle et leur équipage, de faire une dernière sortie en mer pour pêcher … C'était un automne magnifique dont je n'avais pas profité à cause du chagrin qui gouvernait mon cœur. Mais, ce jour-là tout avait une lueur spéciale. J'avais le cœur léger et je ne savais pourquoi. Le soleil qui s'était levé depuis deux heures déjà, réchauffait la nature et brillait comme en août. La mer était d'un bleu limpide presque irréel. On eut dit un tapis de velours. Pas une vague, un calme serein.

Le vieil homme fit une pause, histoire de descendre une bonne pinte, puis reprit les yeux dans le vague :

- Nous partîmes donc dans l'espoir d’être de retour avant 17 heures afin de préparer avec nos familles notre fête celte du 31 octobre en hommage à nos parents disparus. J'avais promis à ma mère de l'aider dans la fabrication de lanternes en citrouilles. Comme la tradition le veut ,une fois allumées, ces lanternes aident nos aïeux de l'autre monde, à sortir des ténèbres et à trouver le chemin de nos maisons...Mais revenons à mon expédition. Donc nous ne devions naviguer que trois heures, pêcher une heure et rentrer. Au début tout alla très bien . Au bout de deux heures, nous nous arrêtâmes et lançâmes les filets. La pêche était bonne. Je voulus rentrer tout comme mon père mais mon oncle et l'équipage des quatre hommes,voulurent poursuivre par cette belle matinée une heure encore, pour ramener davantage de poissons et ainsi se faire un meilleur salaire. Mon père n'eut d'autre choix que de les suivre..

 Nouvelle pause et nouvelle pinte :

Art de pépinière, peinture baleine, aquarelle, estampe de la baleine, enfants salle art, animaux Alphabet, 8,5 x 11, mère et bébé, W est de baleine: - C'est alors que le brouillard se leva et devint de plus en plus épais et intense. En l'espace d'un instant nous ne voyions plus à un mètre devant nous. La mer se mit à grossir, à grossir, les vagues bousculaient notre embarcation. Nous naviguions à l' aveuglette dans l' océan. Nous voulûmes faire demi-tour mais le courant et les vagues nous entraînaient dans le sens opposé. Une déferlante renversa alors le navire. Je plongeai dans l'eau froide comme mes compagnons d’infortune. Je sentais la mort venir, lorsqu'une immense  baleine accompagnée de son baleineau s'approchèrent de nous. San réfléchir, nous grimpâmes sur le dos du cétacé qui nous transporta en un éclair sur une plage où accoururent aussitôt les secours. Des villageois de l’île avaient entendu le chant de la baleine et en connaissaient la signification : Naufragés ! Et ils étaient accourus des lanternes à la main...

Le vieil homme fit une nouvelle pause puis après un petit moment reprit :

- C'est alors, mes amis, que le miracle se produisit : devant moi se tenaient Clara et ses parents !

- Clara, m'écriai-je, je rêve, ce n'est pas possible, c'est vraiment toi ?

- Oui,Jack, c'est bien moi, Nous fûmes aussi sauvés par la baleine. Me dit -elle. Comme toi !  Pourquoi n’êtes-vous retournés chez nous ?demandai-je en  la serrant contre moi 

- C'est le prix à payer ! (me dit- elle mystérieusement). Nous devons rester ici sur l’île de la baleine pour la protéger .Nous sommes tous des naufragés, tu sais .Seul l'un d'entre nous, a eu le droit de retourner dans le monde. Mes parents ont choisi mon jeune frère Vincent. Ce ne fut pas un sacrifice, mais un choix.

Elle semblait calme, heureuse et souriante. Je n'en demandais pas plus et nous passâmes une merveilleuse soirée dans la maison assez grande des pêcheurs qui ne manquaient de rien. Nous mangeâmes de savoureux plats, bûmes plus que de coutume et nous remerciâmes nos sauveurs.  Demain sera demain ! me disais-je. Rassasié de bière et de bonne chère, je m'écroulais sur un lit douillet bien chaud tout comme mon père, mon oncle et les hommes, dans un profond sommeil. Le lendemain nous devions repartir. Mon père me prit à part et me dit :

-Va, mon garçon, tu vas retourner auprès de ta mère et de nos amis. Nous autres : ton oncle, les quatre marins et moi, devons rester ici. Ne crains rien . Nous nous reverrons. Dis-leur à tous que nous sommes heureux de ce choix ! J'étais effondré,  mon père m'avait choisi et j'allai à nouveau perdre ma Clara :

-Non ! Nous rentrerons tous !, hurlai-je.

Clara alors s'approcha de moi et me tira doucement par la manche de mon pull :

-Ton père, ton oncle et tes amis restent avec nous. C'est ainsi  ! Mais je te promets que tu les retrouveras tout comme moi ! Maintenant il faut partir . Je n'eus pas eu le temps d'en dire plus que mon père et mon oncle me jetaient déjà dans une embarcation très ancienne mais solide. Je n'eus pas le temps de leur dire au revoir. La baleine réapparut, me souleva et dans un éclair me fit traverser la mer jusqu'à notre port .

PhareNous étions la nuit du 31 octobre.Tout le village était là et guettait, alerté par le chant de la baleine. Lorsque je débarquai ahuri, étourdi ,je fus soumis à toutes les questions. Ma mère pleurait comme les femmes des marins de mon père. Comme je leur expliquais le naufrage, et l'aide de la baleine, apparurent sur les flots calmes, des centaines de petites lumières : des lucioles qui brillaient et semblaient dessiner des formes étranges, des lettres des noms : Harry, le nom de mon père, Paul celui de mon oncle, Steve, Luc, Peter, Mat, les noms de nos marins  disparus. Les gens regardèrent longtemps les lucioles. Les femmes allèrent chercher leurs lanternes en citrouille , en bois, en pomme et les placèrent face à la mer. Le vieux Patrick sortit son violon et joua une complainte irlandaise que nous reprîmes tous en chœur. La nuit était douce, si douce, une vraie nuit d’été. Puis lorsque les lumières de la mer s'éteignirent nous allâmes tous nous coucher, consolés et en paix.

– N'aie pas peur maman ! Dis-je à ma mère ! Papa m'a dit de te dire qu'il restait sur l'île de la baleine pour la protéger. C'était le prix à payer pour mon retour ! Il m'a dit de te dire que tu le reverras très bientôt . Ma mère mourut quelques semaines plus tard, en hiver, de la méchante grippe. Avant de mourir elle me dit que mon père était venu la voir dans son rêve et l'attendait de l'autre côté de l'océan. Une luciole, cette nuit-là, avait brillé sur la mer, jusqu'au petit matin...

Un soupir, une nouvelle pause,  le vieux Jack semblait perdu dans ses pensées, loin de tout. Il reprit son récit d'une voix tremblante d'émotion :

- Depuis je n'ai cessé de chercher cette île où résidait tous ceux que j'aimais : Clara, mon père, ma mère, mon oncle, mes amis... Demain, c'est la nuit du 31 octobre, la nuit de la fête celtique d'Halloween.  Qui veut venir avec moi à la recherche de l’île de la Baleine ? Qui sera le nouveau capitaine courageux ? »

Dans le pub un long silence se fit,puis un grand brouhaha et un tonnerre d'applaudissements :

- Bravo Jack ! Merci, Jack merci pour cette belle histoire ! Donnez à Jack tout ce qu'il veut !

Les gens vinrent serrer la main du vieux marin :

– Vous êtes un formidable conteur ! Lui dit un étranger ! J'aimerais assez écrire cette légende, m'y autorisez -vous ?

-Venez avec moi demain à la recherche de l’île et vous aurez tous les éléments pour écrire !

– Ah, c'est que demain je pars ! Dit l'homme en souriant. Les légendes c'est bien de les laisser là où elles sont ! Pourquoi chercher leur vérité ?

- En avant la musique ! Hurla le patron du pub.

Afficher l'image d'origineViolons, accordéons, et corne-muses ne laissèrent aucune place aux discussions. Jack s'installa confortablement dans le fauteuil qu'on lui avait réservé. Il vida pas mal de bières, le regard dans le vide, une larme sur ses joues ridées. Non loin de lui, le jeune  Frank n'avait rien perdu de son récit. Le jeune garçon tenta une approche :

- Maître Jack, moi je veux bien partir en mer avec vous,demain, le jour de la fête celtique à la recherche de l’île de la Baleine !

Les yeux du vieux Jack s'illuminèrent :

– Vraiment, tu veux partir avec moi ?

– Oui !

– Tu n'auras pas peur ?

Non ! dit l'enfant .

Jack, tout excité à l'idée d'avoir trouvé quelqu'un pour l'accompagner,  ajouta :

– Habille-toi chaudement. Attention, il ne faut parler à personne de ce projet !

– Juré ! Je serai muet comme une carpe ! répondit en riant Frank.

– Alors, à demain sept heures, mon garçon, sur la jetée ! Sois bien à l'heure et fais attention que personne ne te voie !

La nuit fila comme un éclair, bien que Frank n'ait pu fermer l’œil. Il s'était préparé pour cette extraordinaire expédition, mais le vieux Jack n'était pas au rendez-vous. L'enfant l'attendit une bonne heure puis vit au loin l'embarcation du vieux marin qui prenait la mer, sans lui. Frank sauta dans une chaloupe et se mit à ramer de toutes ses forces et  rattrapa le vieux Jack au moment où le chalutier allait passer le phare du port :

– Pourquoi ne pas m'avoir attendu !, hurla le jeune homme pour couvrir le bruit des vagues.

– Petit, retourne chez toi : là où je vais je ne reviendrai pas !

– Alors toute votre histoire est fausse ! Tout ce que vous avez dit n'est que mensonge ! Rien n'est vrai, ni la baleine, ni l’île !

– Si, tout est vrai !

– Même le prix à payer ?

– Même le prix à payer ! Dit Jack .

– Vous désirez ne pas revenir, n'est-ce pas ? C'est pour ça que vous partez seul ?

– Oui, mon voyage se termine. –

- Alors laissez- moi vous accompagner. J’y tiens, je veux faire avec vous ce dernier voyage, supplia le jeune garçon .

Jack finit par accepter. Dans sa tête, le prix du retour pour Frank serait le sacrifice de sa propre vie, l'éternité sur l’île de la baleine avec Clara. Il en avait décidé ainsi. Il était prêt. Il était temps.

Le voyage se déroula comme dans l'histoire : d'abord le beau temps puis la tempête, le naufrage, la baleine venant à leur secours, le sauvetage sur l’île mystérieuse. Jack retrouva sa jeunesse et sa Clara . Son père et sa mère vinrent à sa rencontre ainsi que Steve, Luc, Peter et Mat, les marins d'hier. Il y eut la belle soirée celte dite Halloween où l'on mangea et but plus que de raison. Tous allèrent se coucher avant que l'aurore ne se leva. Puis, au petit matin, vint le temps des adieux .

- Va, pars maintenant, Frank,tes parents t'attendent et doivent se faire un sang d'encre. ! Lui dit  Jack avec tendresse.

- Tu reviendras ici mais dans longtemps ! Ajouta Clara.

- Adieu fils ! Conclut Jack,  les larmes pleins les yeux. Sois un homme honnête !

- Adieu Jack ! Adieu, mon vieil ami, je ne t'oubliera pas ! répondit le jeune garçon la voix serrée par l'émotion.

Et, dans un tourbillon, son bateau fut propulsé dans les airs sur le dos de la baleine. Bientôt, il distingua la côte de Windcoast. Sur la rive, les villageois l'attendaient, ameutés par le chant de la baleine. Frank fut assailli de questions :

- Où est le vieux Jack, que s'est-il passé ? le questionnaient tous ensemble les villageois

- Il est allé retrouver Clara sa fiancée et ses parents sur l'île de la Baleine, là ou nous avons échoué. Il est heureux. En paix !

-Mon Dieu ! sanglotait la mère de Frank. Il délire !

Mais Frank raconta tout exactement comme le vieux Jack autrefois, avec des détails qu'il ne pouvait avoir imaginés : les noms des personnes disparues, qu'il n'avait jamais connues, et qu'il avait vu sur l’île de la Baleine. Les villageois s'en revenaient pas : ainsi la légende serait vérité et le vieux Jack n'aurait rien inventé !

Le lendemain les villageois posèrent des lanternes dans tout le village : sur la falaise, la plage, le port, le phare... A la nuit tombée, on vit apparaître à la surface de la mer des petites lumières : des lucioles, qui dansaient et formaient des formes, des lettres, un nom : Jack !

Afficher l'image d'origineDepuis, tous les 31 octobre, les habitants des îles de la mer d’Écosse, ainsi que ceux des ports du nord de l'Irlande, ont coutume de poser sur la mer des petites bougies décorées portant parfois les noms des marins ou personnes disparus. Ils mettent aussi des lanternes sur les chemins, les plages, les routes, les fenêtres des maisons, afin que ceux qui vivent sur l’île de la Baleine ou dans le monde invisible, puissent cette nuit-là, rendre visite aux vivants.

Tag(s) : #les contes de Carmen Montet
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